annie barrat


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Nous ne pouvons donner que ce qui, déjà, appartient à l’autre. J.L. Borges

L’art c’est comme l’incendie, il naît de ce qu’il brûle. J.L. Godard

Soyons légers et légères
à la terre remuée
par tant de forces contraires. R.M. Rilke.

Bouffée de vent
Les feuilles se calment. Bashô


Voir et penser.
C’est des pensées qu’il nous faut partir.

Dans chaque peinture, le choix des formes provient en majorité de produits culturels, en relation avec l’histoire de l’art et se distingue par la projection de détails d’œuvres, anecdotiques, ordinaires. Ces éléments figurés extraits de leur contexte sont simplifiés, jusqu'à apparaitre «creux et flottants» et sont prétextes à la peinture.

Ces peintures portent ostensiblement les marques de différentes influences culturelles mêlant, Orient, Occident au sein d’une même toile. La circulation des choses, des idées, des images et des êtres sont au cœur de mon travail.
Un monde d’objets élus, élidés devient manque à voir en même temps qu’il génère la puissance et la vacuité du regard.
La citation prégnante dans ce travail est l’aveu de la jouissance même, du plaisir pris, éphémère, allant de pair avec une conscience tragique de la destinée. Elle permet d’accumuler différentes couches de discours et d’articuler une réflexion sur la notion de frontières.
La pensée est lente et vise à la concision extrême. La contrainte du format rectangulaire, de même que la technique mets un frein à l’expansion et ménage l’accueil et le retour des choses.

La composition appréhendée comme un tout qui doit "tenir", repose sur l’accord tensionnel des formes. Chaque forme autonome, séparée, coexiste avec les autres à la manière de petites solitudes additionnées, posées là, sans la moindre volonté de construire un récit.
Absence de centre, intérêt pour la périphérie, l’idée est de dépayser l’espace et de rendre possible le décryptage d’une invisible présence, celle qui se fait sentir dans l’expérience du voyage filateur.
Au bout du compte dans la mise à plat que propose la surface plane il s’agit justement de repasser les plis, de déjouer la parade et de casser les métaphores.
L’objectif et le subjectif s’effacent au profit du projectif, comme si le trajet entre la vie et la mort était celui d’un chaos sensoriel vers une forme de plénitude.

Ce qui est donné à voir relève d’une vision nomade, objectivée par des détails communs à tous.
Rien n’est important tout a de l’importance. Le vide ne gagne ni ne perd de terrain, il s’exerce à la plénitude et à la suspension du temps pour donner forme à «des signes qui ont l’air d’être des choses» M. Duras.
Par la couleur et la forme il s’agit d’atteindre dans le tableau le moment de tension et de vibration où l’idée explose.
L’ensemble se constitue comme le lieu de la conscience et comme une méditation sur l’homme et ses limites dans un champ de réalisation possible.
Les titres désignent des lieux lointains qui ont une qualité de résonance et fonctionnent comme des différences.

Annie Barrat Juin 2004